Habituellement, mes constructions en Meccano découlent d'un choix que j'ai initié puis mûri moi-même. C'est facile parce que je me laisse guider par mon envie. Et puis... si ça échoue, je peux discrètement passer à autre chose !

Cette fois, c'est différent. Lors d'une visite en groupe de la Brasserie Duvel en Belgique, nous nous tenions sur une coursive qui surplombait la salle d'embouteillage et à ce moment un copain m'a poussé du coude en me glissant : "C'est ça que tu devrais construire en Meccano !", j'ai répondu quelque chose comme "Pourquoi pas ?"
Défi amusant, dont je n'ai pas mesuré immédiatement la difficulté !!!
Mais ce qui est dit est dit.
Pas question de créer une copie conforme miniaturisée, évidemment, le Meccano ne permettant pas ce genre de détaillage. Le montage sera donc davantage évocateur que fidèle dans la reproduction. D'abord le choix : je n'ai retenu que l'idée du transport et du tri. Et puis le  lavage comme le remplissage auraient tout éclaboussé or le Meccano n'est pas inoxydable. Bon, il me fallait construire d'abord des bandes convoyeuses et, si ça marche, une table de tri.
Au travail !

Le Meccano est un jouet anglais, donc en mesures non métriques mais en pouces. Pour les bandes convoyeuses, j'ai fait le choix de bandes en tissu, ourlé de chaque côté, que je suis allé chercher sur le site britannique d'Ebay... et là j'ai trouvé pour environ 2 £ un solde de plusieurs mètres de galon de tapissier en jute écrue, en largeur de deux pouces et demi, parfait pour être entraîné par des cylindres Meccano No 216, eux aussi de deux pouces et demi, montés sur roues à boudin No 20, comme le montre la photo ci-dessous :

Ensuite il n'y avait plus qu'à monter les châssis des transporteurs et à les animer, grâce à un pignon No 26 et une roue de champ No 28, avec de petits moteurs 12 VDC que j'avais récupérés il y a longtemps. De la gaine thermorétractable posée sur les cylindres d'entraînement empêchera la bande de jute de patiner.
Le concept est simple, il fallait seulement du temps pour le réaliser !

Sous la bande de jute, j'ai installé quelques axes supplémentaires pour qu'elle ne fasse pas un "effet hamac" sous le poids des objets à trier. Des pieds assurent une pente suffisante pour que les objets convoyés tombent dans le transporteur suivant.

Les bandes transporteuses en version longue, l'une est couverte en tunnel pour... pour... pour faire joli !!!... et aussi pour dissimuler temporairement le fait que les différents objets sont remélangés à la sortie de la convoyeuse triple qu'on voit plus bas

 

 

 

Placée en sortie de la table de tri, cette triple bande transporteuse mettra en évidence l'efficacité du triage des objets en fonction de leur taille, les plus petits à gauche, les grands à droite.

Pour la table de tri elle-même, ça a été beaucoup plus complexe. L'enjeu étant de déplacer des objets longitudinalement et, simultanément, de les dévier latéralement en fonction de leurs dimensions. Pour la déviation latérale, l'idée m'est venue tout de suite : des sortes de rails disposés à différentes hauteurs permettront un tri en fonction de la taille.

Ici, une décision s'est imposée : les objets devront être cubiques pour être correctement triés, quelle que soit leur position. Suivez mon raisonnement : un objet non-cubique bousculé en passant d'une bande convoyeuse à l'autre serait passé, couché, sous tous les rails de déviation et n'aurait alors pas été trié. J'ai choisi des cubes de bois, respectivement de 30, 40 et 50 mm d'arête... D'où le logo de l'entreprise :

Pour le déplacement sur la table, plus question d'utiliser du tissu : les cubes ne glisseront pas latéralement à cause du frottement. Il faut une surface qui soit entraînante tout en restant la moins adhérente possible. La solution des axes de faible diamètre en matériau lisse, du métal, ne m'est pas apparue immédiatement, mais quand je l'ai appliquée, elle a consommé plus de 6 mètres linéaires de jonc acier en diamètre 4 mm... Heureusement que ça ne coûte pas cher !
Stade suivant : il faut les faire tourner, ces axes ! J'ai imaginé un truc bon marché : utiliser des mini-courroies réalisées avec des petits o-rings (des joints d'étanchéité pour la mécanique) mais ça ne donnait pas de résultat probant : soit leur diamètre légèrement trop grand faisait qu'ils patinaient sur l'axe (évidemment ! je les avais voulus glissants, ces axes...) soit leur diamètre légèrement plus petit induisait une tension trop grande et donc une inertie (n'oublions pas qu'il y a 25 axes) telle que le moteur n'entraînait plus rien. Echec !
Grrrrrr !
On se calme...
Mon intuition m'a alors suggéré qu'un train d'engrenages pourrait faire l'affaire. Mais deux pignons adjacents tournent dans le sens inverse l'un par rapport à l'autre, ce qui ne pouvait pas convenir : le but étant que tous les axes tournent dans le même sens... Comment concevoir ça ?
De nombreuses heures de réflexion et autant d'essais de montage ont fini par me donner la solution. Une solution relativement simple dans son concept mais onéreuse à mettre en œuvre : ce dispositif ne requiert pas moins de 48 pignons Meccano No 26, qu'on trouve habituellement à des prix oscillant entre 3.50 et 5.00 € la pièce sur le marché de l'occasion, soit l'équivalent d'une dépense entre 170 et 240 CHF rien que pour les engrenages !.. Pour ne pas mettre en danger les finances du ménage Krado, j'ai dû chiner un peu partout pendant des mois pour en trouver à bas prix (Je remercie ici le monsieur du Pas-de-Calais qui m'en a vendu 18 pour 15 €)

Voilà donc la bête. Avant le premier essai, j'ai enduit les pignons de graisse au sulfure de molybdène pour atténuer les frottements.

Un schéma va vous aider à comprendre comment tous les axes tournent dans le même sens :

SCHEMA DE FONCTIONNEMENT DE LA TABLE DE TRI
Celles et ceux qui n'aiment pas les descriptions techniques peuvent sauter ce paragraphe...

D'abord je dois préciser que je ne suis pas un pro du dessin industriel et encore moins du traitement des objets en 3D. Je prie donc les spécialistes de ne pas examiner mon schéma à la loupe car ils vont y trouver des tas d'imperfections

Je n'ai pas figuré la chaîne qui relie le pignon moteur à la roue dentée R1. Quant à la chaîne qui relie les roues dentées R1 et R2, je l'ai représentée sous l'aspect d'une courroie parce que dessiner une chaîne galle (c’est ainsi que ça s’appelle) en 3D, c'est au-dessus de mes forces !!!
J'ai aussi diminué la taille des roues R1 et R2 sur ce schéma pour ne pas cacher les pignons qui se trouvent derrière.
Donc grâce à cette chaîne-courroie, le moteur actionne ensemble les roues dentées R1 et R2.

Indication importante : les pignons figurés avec une bague rouge peuvent tourner librement et indépendamment de l'axe sur lequel ils sont placés. Les pignons avec bague couleur laiton sont solidaires de l'axe sur lequel ils sont fixés. Des flèches rouges montrent dans quel sens tourne chacun des pignons.

L'entraînement :

La roue dentée R1 entraîne l'axe A1 et le pignon P1 ; sur cet axe, le pignon PV est libre.

Le pignon P1 entraîne le pignon PC qui est libre sur son axe, puis le pignon PD, solidaire de l'axe AM. Ensuite, le mouvement est transmis au pignon PE, libre sur son axe, puis au pignon PF, solidaire de l'axe AN.

Ainsi, la roue R1 permet le mouvement d'un axe sur deux, les axes A1, AM et AN tournant dans le sens horaire, tandis que les pignons libres PA, PC et PE tournent librement dans le sens anti-horaire.

La roue dentée R2 entraîne l'axe A2 et le pignon P2 ; sur cet axe, le pignon PE est libre.

Le pignon P2 entraîne le pignon PX qui est libre sur son axe, puis le pignon PW, solidaire de l'axe AL. Ensuite, le mouvement est transmis au pignon PV, libre sur son axe, puis au pignon PU, solidaire de l'axe AK.

Ainsi, la roue R2 permet le mouvement d'un axe sur deux, les axes A2, AL et AK tournant dans le sens horaire, tandis que les pignons libres PZ, PX et PV tournent librement dans le sens anti-horaire.

Au final, tous les axes tournent dans le sens horaire comme le montrent les flèches vertes

Le principe illustré ici est le même pour les 25 axes de la table de tri, permettant le déplacement régulier des objets à trier. (hmmm... j'espère que j'ai été clair...).

 

 

J'ajoute seulement pour la bonne ► compréhension que les pignons libres sur leur axe sont empêchés de glisser longitudinalement par une bague d'arrêt No 59

 

Il me reste maintenant à tourner une vidéo de l'ensemble en fonctionnement et à essayer de l'introduire dans ce blog...